dimanche 5 février 2012

KRYSAŘ

(Le chasseur de rat)
réalisé par Jiří Barta - 1985 - 53min - couleur - animation

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à 19h, au ciné le Chat-qui-rend, 72 rue Riquet, Paris 18
métro Marx Dormoy + Riquet
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Hamelin est une ville du Moyen Âge, où l’architecture déforme les perspectives et renvoie les habitants à leur humeur délétère ; tous avares et colériques, ils n’ont qu’une passion, la luxure, de sorte que les familles n’ont pas des enfants, mais un coffre fort. Pour scènes de partage, les notables y pratiquent la bouffe pantagruélique et le mésusage d’alcool quand celui-ci ne tombe pas du verre en même temps que leurs rots, et vers les rats.
Aussi bien organisés, si ce n’est mieux que les «êtres humains», les rats, seuls êtres de chair, partent semer terreur et pauvreté parmi les habitants...

(il n’est pas nécessaire comme cela est d’usage dans les résumés de conte d’évoquer le sort injuste réservé à la jeune demoiselle si jolie et si prude qu’elle attire à elle le mal (elle sera tuée), ni ce que le héros pourra bien mijoter comme vengeance (il tuera)...)


Œuvre baroque par excellence, «symphonie sculptée» aux sonorités furieuses des années 80, Krysař est une histoire du crime et du châtiment, sous forme de cauchemar expressionniste transposé au Moyen Âge.
Deux années ont été nécessaires pour le produire : 14 poupées de bois, des dizaines de figurants sculptés, plus de 140 décors, un an de construction, et une autre année de tournage. Jiří Barta et une trentaine d’autres toqués livrèrent en 1985 l’un des chefs-d’œuvre les plus monumentaux de l’histoire du cinéma d’animation.

Krysař : une histoire de l'inconscient collectif européen, ou «No futur» trinqué dès le Moyen Âge

Tirée du Joueur de Flûte de Hamelin, légende apparue au XIIIème siècle, la version de Jiří Barta s’appuie plus particulièrement sur celle de Viktor Dyk, écrite en 1911, son parti pris final offrant à l’histoire une cruauté nécessaire. Toutefois il exclura de son adaptation diverses sous intrigues trop romantiques... Un autre symbole, qui ne peut être dévoilé dans ces lignes, a malgré tout son importance en vue de situer l’œuvre complexe de Barta. Il fut exploité, par inversion de l’image, en 1936 (les dates ont leur importance) par Karel Čapek dans son roman La guerre des Salamandres, classique de la littérature de science-fiction. À la même époque, C.G Jung introduit le concept d’inconscient collectif afin entre autres d’interpréter les rêves. En quête de rassembler les matériaux nécessaires à la réalisation de sa «symphonie sculptée», Jiří Barta, le rêveur punk, voire cyberpunk en regard de l’ambiance préapocalyptique du film, va punaiser sur l’échelle chronologique de l’art occidental les deux dates 1911 et 1936, afin d’isoler les principaux «archétypes» qui animeront son récit cauchemardesque et dystopique : expressionnisme d’une part, puis poétisme de l’autre (groupe Devětsil, courant post-fantastique et pré-surréaliste tchécoslovaque dont Karel Čapek était proche...), constituent le zoom qu’il opéra sur un continuum bien plus vaste, allant du Moyen Âge et ses strictes lois de la perspective qui ont obligé l’équipe du film à reconstruire différemment le décor d’une même scène selon le nombre d’angles de vue que Barta imposait, jusqu’aux années 1980 et l’arrivée de l’électronique et du punk. 
La mosaïque qu’en tire ce marionnettiste de génie fait de Krysař une œuvre inclassable, néanmoins somptueuse malgré la noirceur de son scénario, un ovni de l’art cinématographique, une planète peuplée d’extra terrestres médiévaux, taillés au cubisme dur, et qui s’interpellent dans un espéranto dadaïste survolé de flûte et de guitare sombre.

Formellement inclassable.


COURTS MÉTRAGES


- Le monde oubliés des gants 
réalisé par Jiří Barta - 1982 - 17min - couleur - animation
- Un autre court métrage sera diffusé mais à ce jour nous ne savons pas si nous recevrons à temps la copie de notre premier choix ..

A. D.





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